La table Claudienne

 

Plaque de bronze découverte en 1528 sur les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon (1er arr.)

Texte sur deux colonnes. La partie supérieure manque.

Milieu du 1er siècle après J.-C.

Poids de la partie conservée: 220 kg

 

 

Table Claudienne - Musée archéologique de Lyon Fourvière

 

 

 

 

Texte d'un discours en latin que l'empereur Claude (41-54) a prononcé en 48 à Rome, devant l'assemblée du Sénat. L'empereur intervenait en faveur des notables Gaulois, qui avaient présenté une requête pour obtenir les mêmes droits que ceux des citoyens romains, notamment celui de pouvoir accéder aux magistratures du Sénat. La découverte de ce texte, à l'emplacement probable du sanctuaire fédéral des Trois Gaules, où il devait être affiché, laisse supposer qu'ils obtinrent gain de cause *

 

 

 

Colonne 1 

 

[sum] mae rerum no[strarum] sit u[tile]...

 

Equidem primant omnium illam cogitationem hominum, quam maxime primam occursuram mihi prouideo, deprecor, ne quasi nouam istam rem introduci exhorrescatis, sed illa potius cogitetis, quam multa in hac ciuitate nouata sint, et quidem statim ab origine urbis nostrae, in quod formas statusque res p[ublica] nostra diducta sit.

Quondam reges hanc tenuere urbem, nec tamen domesticis successoribus eam tradere contigit. Superuenere alieni et quidam externi, ut Numa Romulo successerit ex Sabinis ueniens, uicinus quidem, sed tunc externus ; ut Anco Marcio Priscus Tarquinius. [Is] propter temeratum sanguinem, quod patre Demaratho C[o]rinthio natus erat et Tarquiniensi matre generosa, sed inopi, ut quae tali marito necesse habuerit succumbere, cum domi repelleretur a gerendis honoribus, postquam Romam migrauit, regnum adeptus est. Huic quoque et filio nepotiue eius, nam et hoc inter auctores discrepat, insertus Seruius Tullius, si nostros sequimur, captiua natus Ocresia ; si Tuscos, Caeli quondam Viuennae sodalis fidelissimus omnisque eius casus comes, postquam uaria fortuna exactus cum omnibus reliquis Caeliani exercitus Etruria excessit, montem Caelium occupauit et a duce suo Caelio ita appellitauit, mutato que nomine, nam Tusce Mastarna ei nomen erat, ita appellatus est, ut dixi, et regnum summa cum rei p[ublicae] utilitate optinuit. Deinde, postquam Tarquini Superbi mores inuisi ciuitati nostrae esse coeperunt, qua ipsius qua filiorum ei[us], nempe pertaesum est mentes regni, et ad consules, annos magistratus, administratio rei p[ublicae] translata est.

Quid nunc commemorem dictaturae hoc ipso consulari imperium ualentius, repertum apud maiores nostros, quo in a[s]perioribus bellis aut in ciuili motu difficiliore uterentur ? aut in auxilium plebis creatos tribunos plebei ? Quid a consulibus ad decemuiros translatum imperium, solutoque postea decemuirali regno ad consules rursus reditum ? Quid in [pl]uris distributum consulare imperium tribunosque mil[itu]m consulari imperio appellatos, qui seni et saepe octoni crearentur ? Quid communicatos postremo cum plebe honores, non imperi solum, sed sacerdotiorum quoque ? Iam si narrem bella, a quibus coeperint maiores nostri, et quo processerimus, uereor, ne nimio insolentior esse uidear et quaesisse iactationem gloriae prolati imperi ultra Oceanum. Sed illoc potius reuertar. Ciuitatem 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Colonne 2

 

...[p]otest. Sane nouo m[ore] et Diuus Aug[ustus] [au]onc[ulus] meus et patruus Ti. Caesar omnem florem ubique coloniarum ac municipiorum bonorum scilicet uirorum et locupletium, in hac curia esse uoluit. Quid ergo ? non Italicus senator prouinciali potior est ? Iam uobis cum hanc partem censurae meae adprobare coepero, quid de ea re sentiam, rebus ostendam. Sed ne prouinciales quidem, si modo ornare curiam poterint, reiciendos puto.

Ornatissima ecce colonia ualentissimaque Viennensium quam longo iam tempore senatores huic curiae confert ! Ex qua colonia inter paucos equestris ordinis ornamentum, L. Vestinum, familiarissime diligo et hodieque in rebus meis detineo ; cuius liberi fruantur, quaeso, primo sacerdotiorum gradu, postmodo cum annis promoturi dignitatis suae incrementa. Vt dirum nomen latronis taceam, et odi illud palaestricum prodigium, quod ante in domum consulatum intulit, quam colonia sua solidum ciuitatis Romanae beneficium consecuta est. Idem de fratre eius possum dicere, miserabili quidem indignissimoque hoc casu, ut uobis utilis senator esse non possit.

Tempus est iam, Ti. Caesar Germanice, detegere te patribus conscriptis, quo tendat oratio tua : iam enim ad extremos fines Galliae Narbonensis uenisti.

Tot ecce insignes iuuenes, quot intueor, non magis sunt paenitendi senatores, quam paenitet Persicum, nobilissimum uirum, amicum meum, inter imagines maiorum suo rum Allobrogici nomen legere. Quod si haec ita esse consentitis, quid ultra desideraris, quam ut uobis digito demonstrem solum ipsum ultra fines prouinciae Narbonensis iam uobis senatores mittere, quando ex Luguduno habere nos nostri ordinis uiros non paenitet ? Timide quidem, p[atres] c[onscripti] egressus adsuetos familiaresque uobis prouinciarum terminos sum ; sed destricte iam Comatae Galliae causa agenda est. In qua si quis hoc intuetur, quod bello per decem annos exercuerunt Diuom lulium, idem opponat centum annorum immobilem fidem obsequiumque multis trepidis rebus nostris plusquam expertum. Illi patri meo Druso Germaniam subigenti tutam quiete sua securamque a tergo pacem praestiterunt, et quidem cum ab census nouo tum opere et inadsueto Gallis ad bellum auocatus esset. Quod opus quam arduum sit nobis, nunc cum maxime, quamuis nihil ultra, quam ut publice notae sint facultates nostrae, exquiratur, nimis magno experimento cognoscimus.

 

Colonne 1

 

...soit utile à notre intérêt général...

 

Pour moi, la première de toutes, cette considération que, tout à fait la première, je prévois qu'on m'opposera, je vous prie de l'écarter, de n'appréhender point comme une nouveauté l'introduction de la chose dont il s'agit, mais de considérer plutôt ceci, combien nombreuses dans cette cité furent les innovations, et dès l'origine même de notre ville, par combien de formes et d'états notre république passa successivement.

Jadis des rois possédèrent cette ville, et cependant il ne leur fut pas donné de la transmettre à des successeurs de leur maison. Ceux qui survinrent à leur place étaient d'une autre famille, et certains d'un autre pays, de sorte qu'à Romulus succéda Numa, venant de chez les Sabins, un voisin sans doute, mais alors d'un autre pays ; de même à Ancus Marcius, Tarquin l'Ancien. Celui-ci, comme par l'impureté de son sang vu qu'il avait pour père le Corinthien Démarathus et pour mère une femme de Tarquinies, noble, mais pauvre, puisqu'elle fut obligée de subir un tel mari -, il était exclu chez lui de la gestion des honneurs, après qu'il eut émigré à Rome, y obtint la royauté. Entre lui aussi et son fils ou petit-fils, car sur ce point encore les auteurs sont en désaccord, s'intercala Servius Tullius, si nous suivons les nôtres, né de la captive Ocrésia. Si nous suivons les Toscans, jadis camarade très fidèle de Caelius Vivenna et compagnon de toute son aventure, après que, chassé par les vicissitudes de la fortune, avec tous les débris de l'armée de Caelius il eut quitté l'Étrurie, il occupa le mont Caelius, et de son chef Caelius il l'appela ainsi ; et ayant changé de nom, car en Toscan il avait nom Mastarna, il fut appelé comme je l'ai dit, et il exerça la royauté pour le plus grand bien de la république. Ensuite, après que le caractère de Tarquin le Superbe devint odieux à notre cité, tant le sien que celui de ses fils, apparemment les esprits se dégoûtèrent de la royauté, et à des consuls, magistrats annuels, le gouvernement de la république fut transféré.

Pourquoi maintenant rappellerais-je le pouvoir de la dictature, plus puissant que ce pouvoir consulaire lui-même, imaginé chez nos ancêtres afin d'en user dans les guerres plus dures ou les troubles civils plus difficiles ? ou bien les tribuns de la plèbe, créés pour venir en aide à cette plèbe ? Pourquoi, le pouvoir transféré des consuls aux décemvirs, et plus tard, la royauté décemvirale abolie, de nouveau le retour aux consuls ? Pourquoi, le pouvoir consulaire distribué entre plusieurs magistrats, qui, appelés tribuns des soldats à pouvoir consulaire, étaient créés par sixaines et souvent par huitaines ? Pourquoi, la participation finale de la plèbe aux honneurs, non du pouvoir seulement, mais des sacerdoces aussi ? A présent, si je racontais les guerres par lesquelles ont commencé nos ancêtres, et jusqu'à quel point nous avons progressé, je semblerais, je le crains, être orgueilleux plus qu'à l'excès et avoir cherché l'occasion d'étaler la gloire d'une extension de l'Empire par delà l'Océan. Mais plutôt je reviendrai à mon propos. La cité... 
 

 

 

 

Colonne 2

 

" ... Assurément c'était un usage nouveau, quand et mon grand oncle maternel, le Divin Auguste, et mon oncle paternel, Tibère César, voulurent que toute la fleur des colonies et des municipes, où que ces villes fussent situées, c'est-à-dire la fleur de leurs hommes honnêtes et riches, fût dans cette curie. Quoi donc ? un Italien, comme sénateur, n'est-il pas préférable à un provincial ? Bientôt, lorsque j'en serai à vous faire approuver cette partie de ma censure, mon opinion à ce sujet, je la montrerai par des faits. Mais, les provinciaux eux-mêmes, pourvu qu'ils puissent honorer la curie, je ne pense pas qu'il faille les rejeter.

Voici la très honorable et très puissante colonie des Viennois : combien longtemps il y a déjà qu'elle fournit des sénateurs à cette curie ! De cette colonie est Lucius Vestinus, qui honore, comme peu d'autres le font, l'ordre équestre ; je l'aime d'une affection très intime et le tiens employé aujourd'hui même au soin de mes affaires. Que ses enfants, je vous en prie, jouissent du premier degré des sacerdoces, afin que plus tard, avec les années, ils avancent l'accroissement de leur dignité. Je veux taire le nom sinistre du brigand, et je le hais, ce prodige de palestre, qui apporta le consulat dans sa maison, avant que sa colonie n'eût acquis le bénéfice intégral de la cité romaine. Autant puis-je en dire de son frère, qui est à plaindre certes et ne méritait nullement ce malheur, de ne pouvoir vous être utile comme sénateur.

Il est temps maintenant, Tibère César Germanicus, que tu découvres aux pères conscrits quel est le but de ton discours ; car tu es maintenant parvenu aux extrêmes confins de la Gaule Narbonnaise.

Tous ces distingués jeunes hommes que voici devant mes yeux, nous n'avons pas plus à regretter qu'ils soient sénateurs que nous ne regrettons que mon ami Persicus, de très ancienne noblesse, lise parmi ses portraits d'ancêtres le nom d'Allobrogique. Et si vous êtes d'accord avec moi qu'il en est ainsi, que désirez-vous en outre, sinon que je vous montre du doigt que le sol lui-même au delà des confins de la province Narbonnaise vous envoie déjà des sénateurs, puisque de Lyon nous ne regrettons pas d'avoir des hommes de notre ordre. Timidement certes, pères conscrits, j'ai dépassé les bornes provinciales qui vous sont accoutumées et familières ; mais ouvertement, à présent, il faut plaider la cause de la Gaule Chevelue. Si l'on y envisage ceci, que, par la guerre, pendant dix ans, ils ont donné du mal au Dieu Julius, qu'on mette aussi par contre en balance une fidélité immuable de cent ans et une obéissance plus qu'éprouvée dans maintes conjonctures critiques pour nous. Grâce à eux, mon père Drusus soumettant la Germanie eut derrière lui, garantie par leur calme, la sécurité de la paix ; et cela, bien que du recensement, opération nouvelle alors et insolite pour les Gaulois, cette guerre l'eût obligé à se détourner. Une telle opération, combien elle est ardue pour nous, tout juste maintenant, quoique l'enquête n'ait d'autre objet que la constatation officielle de nos ressources, à l'épreuve nous l'apprenons trop bien. " 
 

 

 

* Source: Musée Gallo-Romain de Lyon Fourvière

 

 

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